Valère Bernard
1862-1936
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Les Félibres donnèrent comme successeur à Pierre Dévoluy le poète et peintre de Marseille, Valère Bernard. Par son prénom romain il rehaussait ce que son nom avait d’un peu banal et sa personne d’assez terne. Modeste jusqu’à la timidité, détestant l’éloquence, c’était un solitaire, un renfermé, un Marseillais taciturne. Du fait de sa bonté, son calme, son esprit conciliant, le respect qui entourait son œuvre d’artiste, de poète et de romancier du peuple marseillais, son « capouliérat » (présidence du Félibrige) fut sans histoires d’autant que, pendant cinq ans de guerre, il ne fut occupé que de secours et de bienfaisance.
J’allais le voir dans son atelier du quai de Rive Neuve, où il était toujours au travail, il cherchait continuellement de ses yeux inquisiteurs quelque nouvelle invention, quelques nouveaux rythmes, quelques nouvelle teintes ; il avait imaginé un orgue pour la rue, où chaque touche devait déclencher une couleur, de sorte que l’on pourrait jouer ainsi des symphonies visuelles. Il était très lié avec Eugène Montfort, qui avait loué un atelier dans ce même immeuble, et qui parlait aussi peu que lui. |
A partir de 1920, je le voyais non seulement Quai de Rive-neuve, mais rue Adolphe Thiers, à l’Académie de Marseille, dont il était membre ; les deux dernières années de sa vie il y venait accompagné de sa fille, charmante et noble Antigone qui le guidait, car ce peintre de la lumière avait presque perdu la vue. Alors il s’était rejeté vers la poésie, écrivant de vraies épopées.
Ainsi s’est éteint assez tristement ce poète noble et pur, d’une conscience et d’un désintéressement admirables, inconnu en somme, malgré quelques honneurs locaux, du public français et méconnu du public félibréen lui-même, juste punition de la modestie en notre époque publicitaire. !
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