Emile RIPERT
Extrait conférence : LE
FELIBRIGE
|
|
Le Mistral, c’est ce grand vent qui, des montagnes, se précipite vers la mer, en secouant sur son passage les arbres, les arbustes, les buissons, les mas et les bastides du pays de Provence.
Or, un jour de Septembre, ce grand vent, en passant au-dessus d’un de ces mas, près du village de Maillane, est entré dans l’âme d’un enfant qui venait de naître et qui était de sa famille, puisqu’il s’appelait Mistral, comme lui-même.
Ce petit garçon à l’âme fougueuse ne fut pas très discipliné. Il manquait parfois l’école du village, si bien qu’à l’âge de dix ans ses parents, de gros fermiers qui avaient du bien, l’enfermèrent pour ses études dans un petit pensionnat, vieux couvent abandonné au cœur de la Montagnette, parmi les thyms qui, le printemps venu, embaumaient toutes ces collines. C’était trop beau, cela ne pouvait pas durer. Le pensionnat fit faillite et ferma ses portes. Et le petit Frédéric-c’était son nom- fut envoyé par ses parents dans une triste pension d’Avignon, cette ville où les papes du moyen Age sont restés soixante dix ans, comme le rappelle encore leur magnifique palais.
Au mas, où est né le petit Frédéric Mistral, on parlait la langue provençale, jadis langue des troubadours, des rois et des princes et depuis devenue langue populaire, parce que ; la Provence ayant été réunis à la France en 1486, les nobles et les bourgeois s’étaient mis peu à peu à parler la langue française.
Donc, en arrivant à Avignon, le petit Mistral entendit qu’on parlait français autour de lui, et au lycée, dont il suivait les cours, on ne lui enseignait que le français, en même temps que le latin et le grec, mais jamais le provençal, qu’on lui défendait même de parler.
« Pourquoi m’empêche-t-on de parler comme mon père et ma mère et tous les gens de mon village ? ».
Telle est la question que se posa cet enfant, qui aimait ses parents et tous ceux qui s’étaient penchés tendrement sur les premières années de son enfance. Il était dans ces sentiments quand il fit la connaissance d’un jeune professeur, appelé Joseph Roumanille, lequel était originaire de Saint-Remy, gros bourg voisin du village de Maillane.
Roumanille était un poète ; quelques années auparavant il avait essayé d’écrire des vers en français et puis il les avait lus à sa mère, et sa mère s’était mise à pleurer, ne les comprenant pas. Alors Roumanille les avait déchirés, se jurant d’écrire désormais des vers que sa mère pourrait comprendre, c’est à dire des vers provençaux.
|
Or, pour gagner sa vie, Roumanille était professeur dans le petit pensionnat où le jeune Mistral était élève. Un jour qu’il conduisait les élèves aux vêpres, il vit que l’un d’eux écrivait sur un papier caché dans un livre ; il s’approcha sans bruit, saisit le papier suspect et s’aperçut, en pleurant de joie, que c’étaient des vers provençaux qu’écrivait ainsi le jeune Mistral ; car c’était lui, !
C’est ainsi que se reconnurent et s’embrassèrent, un beau dimanche, au chant des psaumes et des cloches, dans la ville papale d’Avignon, le maître et le disciple qui devaient rénover la langue provençale et la relever de l’injuste mépris où elle était tenue alors. |
|
En ce temps là, il y avait aussi dans la ville d’Avignon un jeune homme appelé Théodore Aubanel dont les parents, depuis des siècles, étaient imprimeurs des papes. Roumanille le rencontra dans les réunions d’une œuvre de charité et comme Aubanel faisait des vers, il le décida à ne plus faire que des vers provençaux. |
Théodore AUBANEL
1829 – 1886
|
Anselme MATHIEU
1828-1895
|
Il y avait aussi au pensionnat où était Mistral un jeune homme qui venait de Chateauneuf du Pape , le pays du vin célèbre ; il s’appelait Anselme Mathieu, ; il parlait provençal et faisait aussi des vers.
|
Paul GIERA
1816-1861
|
Il y avait enfin un notaire qui s’appelait Jules Giera et possédait, non loin d’Avignon, le petit château de Font-Ségugne, où venait parfois dire des vers provençaux un jeune paysan, nommé Alphonse Tavan.
|
Château de Font-Ségugne Châteauneuf-de-Gadagne Vaucluse |
|
Alphonse TAVAN
1833-1905
|
Et voilà six poètes qui, attirant à eux un ouvrier vitrier d’Avignon, Jean Brunet, furent sept, et le 21 Mai 1854, se réunirent à Font-Ségugne pour fonder le Félibrige.
|
Château de Font-Ségugne
Le salon où fut signé l’association des 7 félibres
Châteauneuf-de-Gadagne
Vaucluse |
|
Jean BRUNET
1823-1894
|
|